En décembre, j’ai rédigé un calendrier de l’avent de la vulgarisation sur twitter. Objectif : chaque jour du 1er décembre jusqu'à noël, vous offrir une réflexion ou un conseil sur la vulgarisation. Les voici aujourd’hui compilés.
1. Il y a forcément un style de vulgarisation qui vous convient. Livre, article, conférence, vidéo, radio, présentation dans les classes, manip live, Pint of science, sciences participatives, wikipedia, réseaux sociaux... N'hésitez pas à compléter la liste !
Je vous ai d'ailleurs concocté un petit diagramme des différentes vulgarisations. La couleur indique l'implication demandé au chercheur. Bleu : solitaire, ponctuel. Violet : solitaire, plus prenant. Brique : en équipe, ponctuel. Orange : en équipe, demande du temps.
2. Pour vous adresser à un public donné, il faut bien le connaître : niveau scientifique, mais aussi âge, goûts, attentes, références culturelles,... bref, il faut savoir ce qui touche votre public. En fait, pour être bon vulgarisateur, il faut aimer les gens.
3. Noël approche, super occasion pour s'essayer à la vulgarisation. Expliquez vos recherches à tonton Jean ou à votre nièce de 10 ans est un excellent entraînement (et pas facile !). Observez votre interlocuteur, voyez quand vous le perdez, ou quand vos explications sont au top.
4. Quand vous vulgarisez, évitez de commencer par ce qui est abstrait et général. Débutez au contraire par un exemple, quelque chose de très concret, que votre interlocuteur peut imaginer. Ensuite, éventuellement, vous pouvez généraliser et aborder les notions plus abstraites.
5. Mettez également votre message principal dès le début de l'article. Ainsi, même si les gens ne lisent pas tout, ils auront l'information importante. Et souvent, cette information les motivera pour lire la suite et comprendre le contexte, les arguments...
6. Lorsqu'on vulgarise un résultat scientifique, il est indispensable d'expliquer le contexte et son intérêt :
· que savait-on avant ?
· en quoi elle fait avancer les connaissances ?
· a-t-elle des applications ?
· crée-t-elle des risques?
Bref, c'est expliquer pourquoi cette découverte est intéressante, et quelles sont toutes ses implications. Là est la vraie plus-value du vulgarisateur.
7. Si vous parvenez à résumer votre article en une courte phrase, c'est bon signe : vous avez probablement un seul message, un seul angle. Si vous n'y arrivez pas, c'est que votre article part dans tous les sens. Une seule solution : élaguer.
8. Elaguez votre texte ou votre présentation sans état d'âme. On veut souvent donner trop de détails non indispensables, trop de précisions qui
n'intéressent que les spécialistes.
Saint-Exupéry l'a bien résumé : "Il semble que la perfection soit atteinte, non quand il n'y a plus rien à ajouter mais quand il n'y a plus rien à retrancher."
9. Expliquer n’est pas convaincre. Vous croyez que parce que vos explications sont claires et argumentées, vous saurez convaincre sur les sujets scientifiques "chauds" (vaccins, climat...) ? Et bien non ! Parfois, vous aurez même l'effet inverse. scienceetpartage.fr/2017/12/11/exp…
10. Impliquer son public est incroyablement efficace. En conférence, par exemple, posez-lui des questions, et même faites venir certains sur scène pour participer à une expérience. Même à l'écrit, vous pouvez interpeler le lecteur (sans en abuser).
J’aime beaucoup cette citation attribuée à Benjamin Franklin : "Tell me and I forget, teach me and I remember, involve me and I learn" (Quand tu me dis, j’oublie, quand tu m’enseigne, je retiens, quand tu m’impliques, j’apprends).
11. Eliminez le jargon :
· celui évident : anoxie, isotope, épigénétique, quark...
· les mots ayant un sens différent en sciences : modèle, sensibilité, spectre...
· les expressions : contraindre un gène
· le jargon "administratif" : excellence, disruptif, stratégique, paradigme...
12. Utilisez au maximum le langage de tous les jours, choisissez des mots simples, mais précis. Evitez ceux qui sont vagues et abstraits. Et si un terme compliqué est indispensable, expliquez-le. Mais s'il y a trop de mots complexes, votre lecteur décroche (même avec un lexique).
13. Côté grammaire, le maître mot est la simplicité. Sujet- verbe-complément, on n'a rien inventé de mieux. Des phrases courtes et percutantes, une seule idée par phrase. Parfois, une phrase sans verbe (comme celle-ci). Important aussi : varier les rythmes des phrases.
14. Pour faire ressentir les ordres de grandeur, rien ne vaut une comparaison. Pour une surface, on parlera de terrain de foot ou de pièce de 1€. Un volume s’exprimera en dé à coudre ou en piscine olympique. Une faible concentration deviendra "une goutte dans une piscine olympique".
Ca demande un peu de calcul pour convertir vos unités habituelles vers des unités qui parlent aux gens, mais c'est super éclairant, surtout pour les très grands ou très petits nombres.
15. Le titre a deux buts : informer, et donner envie. Parfois pas possible car il doit être court donc on choisit un titre plus informatif ou plus fun
selon le type de journal. Un titre est spécifique à un article, le reflète.
Un titre très général du type "vers un nouveau remède contre le cancer", qui peut s'appliquer à des milliers d'articles, est un mauvais titre. Sur le web, les mots clé sont importants. Un article
sur les ondes gravitationnelles aura "ondes gravitationnelles" dans le titre.
Le titre informe au maximum, sans rétention d'information. Par exemple, un titre récent dans Le Monde : "Le yéti n’a rien d’abominable : c’était
un ours" est un très bon titre. Il donne l’information principale, et le mot clé (yéti) y figure.
16. Le « chapô » (une ou deux phrases sous le titre) doit compléter le titre, être clair et attrayant. Il a le même objectif que le titre, mais dispose de davantage de place. L’ensemble titre, chapô, légendes, intertitres et relance s’appelle la titraille. Elle doit être à faire après avoir rédigé l'article. But : donner envie de lire, aérer le texte.
17. Plutôt qu'un gros texte indigeste, privilégiez différents niveaux de lecture : texte, encadrés, schémas, relances (surtitres, mots clé, courtes citations, …), chiffres clé, points à retenir, etc. Aujourd'hui, les lecteurs préfèrent des tapas plutôt qu'un plat unique.
18. Pour illustrer un article, on a un large choix: photos, schémas, cartes, infographies, courbes, dessins... La photo peut être purement
illustrative (juste belle), mais c'est mieux si elle apporte une vraie information scientifique. Or, c'est souvent vous, scientifiques, qui avez la possibilité de faire ces photos.
Photo astronomique, ou au microscope, d'objet archéologique, de "manip",... tout cela ne se trouvera pas dans les banques de photos. Faites les ou faites venir un photographe pro (spécialisé en
sciences si possible), et diffusez largement les photos.
N'oubliez jamais l'importance de l'image pour intéresser et faire passer un message. Un texte nu ne donne pas envie de lire.
19. L’infographie permet d’apporter beaucoup d’informations en peu de place. L'image n'est plus là pour illustrer, elle devient l'information principale. Le texte sert à préciser et expliquer. Gros schéma, datavisualisation, carte... les possibilités sont nombreuses. Sur le net, l'infographie peut être interactive.
20. Parlons d'un sujet qui fâche : le powerpoint (ou Prezi si vous préférez). C'est comme l'alcool : à utiliser avec modération ! Le sujet principal,
ce n'est pas votre support visuel, mais vous et ce que vous avez à dire.
Trop souvent, le powerpoint sert d'antisèche. Ce n'est pas son rôle, qui est de montrer ce qu'on ne peut pas expliquer avec des mots, et pour souligner les points importants. Rien de pire qu'un
conférencier qui lit ses slides. Il faut minimiser le texte, favoriser l'image.
Idéalement, vous devez être capable vous en passer en cas de problème technique. Si vous maîtrisez assez votre présentation pour vous en passer, votre conférence est probablement de qualité.
21. Avant d'expliquer, il faut intéresser. Personne n'écoute une explication sur un sujet qui ne l'intéresse pas. Vous devez donc d'abord accrocher l'intérêt de votre auditoire ou lectorat. Et pour ça, rien de mieux que de lui raconter une histoire.
22. Trouvez un ton qui vous convienne, mais qui ne soit pas purement explicatif. Humour, poésie, empathie, show, enthousiasme... tout est possible, sauf le style plat et ennuyeux.
23. Faites une expérience "live" : rien de mieux pour intéresser votre auditoire et lui faire comprendre. Pas besoin de manip compliquée. Il y a plein d'expériences simples à découvrir sur le web, par exemple kidiscience.cafe-sciences.org/experiences-a-… Alors à vos éprouvettes !
24. Personne ne naît vulgarisateur, c'est en pratiquant que l'on s'améliore. Multipliez les occasions de vous exercer : blog perso, pint of science, article pour la revue de votre labo, série de tweets pour @EnDirectDuLabo...
25. Vulgariser, c'est donner du plaisir aux gens : plaisir de découvrir, de comprendre, d'écouter une belle histoire,... Vulgariser, c'est avoir envie de partager. Ce tweet tombe pile pour noël, non ?
Cécile Michaut