Le rapport que la députée Maud Olivier vient de publier avec le sénateur Jean-Pierre Leleux sur la culture scientifique, technique et industrielle (CST) fera sûrement couler moins d'encre que celui qu'elle a écrit sur la lutte contre le système prostitutionnel. Et pourtant, ce rapport mérite qu'on s'y attarde, car il est symptomatique de la vision de nos élites sur les rapports entre la science et les citoyens.
Certaines phrases mettent du baume au coeur de l'amateur de science et de culture scientifique. Les auteurs rappellent que "les actions de médiation font clairement partie des missions imparties par le législateur aux chercheurs." Voir écrit noir sur blanc que parmi les missions du personnel de la recherche figure "la diffusion de l’information et de la culture scientifique et technique dans toute la population" ne peut que renforcer le journaliste scientifique dans ses efforts constants obtenir des informations de chercheurs.
Mais quel est le but de cette culture scientifique et technique ? Il s'agit de "tirer les leçons de l’opposition récurrente d’une fraction du public à l’encontre des technologies émergentes : OGM, antennes-relais, nanotechnologies, biologie de synthèse et gaz de schiste" (p. 162). Autrement dit, la culture scientifique doit servir à faire accepter des technologies aujourd'hui décriées !
Les auteurs ne tirent aucune leçon de l'échec des débats nationaux sur les nanotechnologies ou le nucléaire. Pensaient-ils vraiment que ce type de débats destinés à entériner des décisions déjà prises pouvaient faire évoluer les opinions ? Visiblement, oui : "La question se pose en effet de savoir pourquoi, malgré la multiplication des dispositifs de débat public, existe une opposition persistante aux technologies dans plusieurs domaines, qui fait échec aux tentatives de débat apaisé."
Ce rapport confond totalement la science et la technologie. La science est avant tout une démarche reposant sur un ensemble d’observations, d’expérimentations et de théories. Elle repose sur le doute constructif, et n’est en aucun cas pro- ou anti- technologies. En revanche, elle peut étudier les bénéfices, les risques et les incertitudes de ces technologies. Les études scientifiques peuvent donner naissance de vrais débats contradictoires. Exactement le contraire de ce que font les promoteurs des technologies citées, puisque la plupart des industriels refusent de mettre sur la place publique leurs données scientifiques. Comment débattre des gaz de schiste si la composition des fluides envoyés dans le sous-sol est secrète ? La plupart du temps, l’attitude opaque des pro-technologies est donc anti-scientifique.
Oui, la culture scientifique et technique pour tous doit être davantage promue. Mais elle ne doit pas servir de propagande en faveur de telle ou telle technologie.
Cécile Michaut
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Joël Martin (dimanche, 12 janvier 2014 12:10)
Les organisateurs de débats publics se demandent ceci :
"La question se pose en effet de savoir pourquoi, malgré la multiplication des dispositifs de débat public, existe une opposition persistante aux technologies dans plusieurs domaines, qui fait échec aux tentatives de débat apaisé."
Une réponse possible à cette question : les débats publics sont biaisés par l'absence de contradicteurs compétents dans le domaine abordé. Il est donc crucial pour que ces débats soient autre chose que des déclarations à sens unique, que le "grand public" accède à des informations claires et précises. Or beaucoup de scientifiques jouent le jeu de cette transparence, mais sont souvent de piètres vulgarisateurs. D'où l'absolue nécessité pour tout scientifique d'apprendre à vulgariser efficacement.